L'impact des filières ingrédients cosmétiques sur la biodiversité (2/4)
Les contraintes règlementaires nationales (comme la loi Biodiversité 2016 en France) sont trop lentes à voir le jour et à être mises en œuvre pour faire face aux urgences climatiques et à la perte croissante de biodiversité.
La réalité des contraintes d’approvisionnement
Dans le cadre de la CITES (qui régule le commerce international des espèces menacées), sur les 60.000 espèces de plantes aromatiques et médicinales qui font l’objet de prélèvement dans le monde, près de 1280 d’entre elles ont été mises sur la liste des annexes de la convention.
En d’autres termes, cela signifie que les entreprises doivent bénéficier d’un permis pour pouvoir importer ces plantes ou les extraits qui en sont tirés.
Quelques exemples :
Le Bois de rose (Anina rosaeodora), ingrédient clé de Chanel N° 5 a tant été coupé pour la production d’essences aromatiques depuis les années 1930, qu’il est maintenant considéré par l’Alliance Mondiale pour la Nature comme étant menacé de disparition.
Le bois de oud, ou bois d’agar (Aquilaria rostrata et Aquilaria malaccensis) a été l’incontournable des parfums de toutes les marques et est toujours la super star de leurs ventes pour beaucoup. Mais son exploitation et celle de ses habitats naturels ont été tel, que la plante est maintenant considérée en danger critique d’extinction.
Quand les experts vont sur le terrain étudier ces plantes, devenues si rares pour certaines, ils se rendent compte que leur collecte, souvent très mal payée, reste cruciale pour certaines communautés locales.
Même en France, nous laissons disparaître les plantes qui font la richesse de la parfumerie. La tanaisie annuelle ou Camomille bleu Vogtia annua (Syn. Tanacetum annuum) que l’on retrouve dans Poison de Dior mais aussi chez Caron, Serge Lutens ou Jean-Paul Gauthier, est maintenant sur la liste rouge des espèces menacées de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Inventaire National du Patrimoine Naturel).
Il y a dans le cas présent des cultures, mais aucun parfumeur au monde n’osera vous dire qu’un linalol, extrait de feuilles de bois de rose, vaudra celui extrait du bois de l’arbre sauvage. Le bois de Oud est maintenant cultivé avec des techniques d’insémination du champignon qui le rend odorant mais il reste des différences fondamentales dans les odeurs obtenues par rapport aux essences sauvages. Et les populations les plus pauvres où poussent ces plantes ne vont pas arrêter de les détruire si l’on ne les implique pas dans une gestion d’intérêt économique local correctement structurée.
Auteur : Olivier Behra, Expert People4Impact
Olivier Behra intervient auprès de différentes organisations afin de favoriser et de développer des approches favorables à l'environnement et à la biodiversité. Il travaille aussi avec de nombreuses institutions d'aide au développement et d'ONG internationales pour soutenir des projets de conservation de la nature et de défense des droits humains.