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Diversité, inclusion et performance : quand l’intelligence émotionnelle devient stratégique

Par Monika GOSGNACH, le

Canva x Monika Gosgnach

Le contexte mondial actuel impose une lucidité nouvelle. Depuis plusieurs années, de nombreuses entreprises ont initié des démarches structurées autour de la diversité et de l’inclusion. 

Diversité et inclusion : des avancées remises en question ?

Politiques d’égalité professionnelle, dispositifs en faveur de l’inclusion du handicap ou de la lutte contre les discriminations…ces initiatives ont souvent été perçues comme des leviers d’innovation, de cohésion interne et de performance.

Mais aujourd’hui, dans un climat géopolitique de plus en plus tendu, les crispations autour de la différence se durcissent. Des figures politiques populistes réactivent des récits clivants, nourris par la peur et la nostalgie d’un ordre ancien, en opposition aux valeurs d’ouverture, de coopération et de solidarité. Certaines entreprises, influencées par ces dynamiques, réduisent, voire suspendent, leurs engagements en matière de diversité et d’inclusion.

Et pourtant, la société française ne suit pas ce mouvement. Une enquête Ipsos [1] révèle que les Français restent majoritairement favorables aux politiques de diversité et d’inclusion en entreprise, perçues comme un véritable enjeu de société et de performance durable. Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de rappeler que la RSE ne se limite pas à l’environnement. On oublie trop souvent que la RSE, c’est aussi le « S » : le social, l’humain, les conditions du vivre-ensemble.

Alors que les modèles économiques vacillent, une question s’impose : faut-il sacrifier nos valeurs à la rentabilité ? Non. Mais il faut apprendre à les articuler. La diversité et l’inclusion ne sont pas des sujets périphériques, ni un ajout cosmétique à la politique RH. Elles sont un levier stratégique pour les entreprises qui veulent durer, innover, performer autrement.

 

L’intelligence émotionnelle au fondement d’une culture inclusive

Nos biais influencent nos recrutements, nos évaluations, nos décisions managériales. Et si la performance économique exige de la rationalité, elle gagne aussi à laisser une place à une autre forme d’intelligence : l’intelligence relationnelle et émotionnelle.

Lors d’une mission auprès d’une entreprise industrielle, j’ai été sollicitée pour sensibiliser l’équipe de direction aux handicaps invisibles, un sujet largement méconnu malgré son impact concret dans leur environnement de travail. L’enjeu était ainsi de faire émerger une culture managériale plus inclusive, capable de mieux prendre en compte les vulnérabilités parfois tues au sein de leurs équipes.

Pour répondre à cette attente, j’ai conçu et animé un atelier sous un format expérientiel mêlant apports pédagogiques, introspection guidée et intelligence émotionnelle. Il permet d’explorer ce qui échappe souvent aux radars des politiques RH classiques : les réalités invisibles, les vulnérabilités tues, les émotions mises à distance dans les environnements professionnels.

Le véritable levier du changement ? La prise de conscience. Pas celle qui culpabilise, mais celle qui éclaire. Nous portons tous des filtres qui modifient notre perception du réel. Parfois protecteurs, ils faussent pourtant souvent notre regard. Pour les retirer, il faut d’abord apprendre à les reconnaître, puis accepter de réajuster la mise au point — sur les autres, sur les situations, sur nos décisions.

Former et sensibiliser, c’est justement créer ces conditions : des espaces d’apprentissage sécurisés, où chacun peut questionner ses réflexes, expérimenter sans crainte, ajuster son point de vue. Mon approche conjugue ingénierie pédagogique et intelligence émotionnelle, pour rendre visible l’invisible et objectiver les mécanismes à l’œuvre dans nos organisations, car on ne peut corriger ce qu’on ne voit pas.

 

Faire évoluer la culture d’entreprise et transformer les pratiques

Voici quelques exemples de bonnes pratiques à mettre en œuvre :

  • Objectiver les décisions : organiser des revues croisées anonymisées des parcours professionnels, puis comparer les évaluations des profils « à l’aveugle » et classiques pour mettre en lumière les biais ;
  • Cartographier les points de friction invisibles : recueillir des récits de terrain (via des ateliers d’écoute ou des boîtes à questions anonymes) pour repérer les biais dans les interactions quotidiennes ;
  • Observer les « petites décisions » : qui est désigné pour intervenir en réunion, représenter l’équipe, être promu ? Ces micro-choix, souvent non verbalisés, en disent long sur les habitudes d’exclusion… ou d’inclusion ;
  • Former les recruteurs et managers aux biais inconscients : mieux comprendre ses propres mécanismes, c’est se donner le pouvoir d’agir autrement.

Ce travail de précision, patient et lucide, permet d’aligner les valeurs affichées avec les pratiques réelles.

La résurgence des discriminations (racisme, sexisme, LGBTphobies, validisme) est le signe d’un monde ancien qui résiste. Face à cela, il nous faut affirmer une autre vision : celle d’une entreprise fondée sur des valeurs humanistes, consciente de sa responsabilité sociale, capable de faire de la diversité un moteur de transformation.

La société de demain ne se construira pas sans tensions. Mais elle ne se construira pas non plus sans courage, ni lucidité. Et ce courage commence souvent là où on ne l’attend pas : dans la capacité à reconnaître nos angles morts, à restaurer la relation humaine comme fondement de toute organisation performante.
 

[1] Source : https://www.ipsos.com/fr-fr/les-politiques-di-lere-de-donald-trump-les-francais-continuent-de-soutenir-les-programmes

 

Auteure : Monika G., experte People4Impact

Consultante spécialiste des enjeux de diversité et inclusion et ingénieure pédagogique, Monika Gosnach accompagne les équipes RH et les dirigeant·es pour faire de la diversité et de l'inclusion des leviers de croissance durable.