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Le projet linéaire et le territoire : le rôle du consultant expert en environnement

Par Virginie DEFROMONT, le
pexels

Beaucoup d’aménageurs ou de politiques décident de la réalisation de projets linéaires urbains (TCSP[1], métros, tramways, téléphériques) et interurbains (lignes ferroviaires, autoroutes, etc.), en méconnaissant les enjeux environnementaux, au sens large du terme, des territoires dans lesquels ces projets[2], vont s’insérer et s’intégrer. Or, les territoires sont une composante, voire LA composante principale, des projets.

Pour en tenir compte, il est nécessaire en premier lieu de bien connaître le territoire sur lequel le projet va prendre place.

Bien connaître le territoire

Simple à dire mais pas toujours fait : aller sur le terrain ! Se rendre compte par soi-même des composantes du territoire : comment accéder au site ? à quelle distance sont les premières habitations ? où sont localisés les cours d’eau, fossés et vallons secs ? quels sont les éléments structurants du paysage (lignes de crête, boisements, frange bâties, remblais, etc.) ? Ce n’est pas du temps perdu mais du temps gagné pour la suite du projet.

Cette visite sur le territoire se prépare par :

  • une lecture de photos aériennes récentes,
  • une analyse et un parcours identifié sur une carte au 1/25000 voire 1/10000,
  • une lecture et une analyse des documents de planification d’aménagement du territoire (SRADDET, SCOT, PLU) mais aussi des plans de prévention des risques naturels et technologiques.

La connaissance du territoire passe également par les rencontres avec les élus et les riverains. Ces échanges permettent d’écouter leurs attentes et préoccupations au regard du projet, d’affiner la compréhension du territoire. La concertation avec le public, procédure réglementée par le Code de l’Environnement [3]d’une part et par le Code de l’Urbanisme [4]d’autre part, peut prendre la forme d’un débat public pour les grands projets ou de concertation locale pour les aménagements plus modestes. Cette phase d’échange est primordiale pour comprendre les enjeux du territoire.

Le consultant expert en environnement apporte l’organisation , le savoir-faire et toutes les compétences en aménagement du territoire (analyse cartographique, lecture des paysages, écoute, etc.), pour réaliser ce diagnostic à 360.

Ainsi, cette première étape se conclut par une bonne connaissance et une cartographie de tous les enjeux intrinsèques des espaces naturels et artificiels dans lequel l’aménagement prendra place. Elle permet de s’assurer que le projet est « en accord avec le territoire ».

 

Anticiper les évolutions du territoire

Du fait des nombreuses étapes d’approbation technique, économique, financière et réglementaire, le projet ne va pas émerger immédiatement après le diagnostic des enjeux intrinsèques du territoire et encore moins rapidement être mis en exploitation. Le consultant expert en environnement prend alors en compte les évolutions du territoire à moyen et long termes, qui peuvent être liées aux décisions politiques, aux changements de stratégie territoriale, aux modifications réglementaires (accords internationaux, réglementations européenne et nationale). Le territoire évolue également selon ses composantes géographiques : occupation des sols, risques, évolution climatique, etc.

Cette étape permet d’inscrire l’aménagement dans la durée et de s’assurer que le projet sera « en accord avec le territoire de demain ».

 

« Éviter, c’est concilier l’environnement et l’aménagement des territoires[5] »

Une fois ces états des lieux actuels, à moyen et long termes du territoire effectués, le projet doit s’  « insérer » et s’ « inscrire » dans le territoire à long terme. Pour cela, il doit éviter les secteurs à enjeux environnementaux forts. Par évitement, on entend « faire ailleurs, « ne pas toucher », « ne pas impacter directement ou indirectement » les secteurs environnementaux à forts enjeux[6]. Cette démarche d’évitement, portée par l’aménageur assisté du consultant expert en environnement, permet une non-dégradation ou non-atteinte d’un facteur environnemental (ex. évitement d’une zone humide, évitement d’une parcelle agricole avec une culture à forte valeur, éviter les zones densément urbanisées, etc. ). L’évitement permet généralement une meilleure acceptabilité du projet par les riverains et limite les surcoûts financiers qui seraient générés par la prise en compte tardive ou la mauvaise appréhension des enjeux environnementaux lors de la conception du projet, nécessitant alors la mise en œuvre de mesures environnementales coûteuses de réduction ou de compensation.

 

Ecoconcevoir le projet

La conception du projet joue ici un rôle prépondérant majeur et difficile. Le concepteur doit en effet concilier : prise en compte du territoire, conception technique pérenne, préservation de l’environnement à court, moyen et long termes, intégration du projet et respect de l’enveloppe budgétaire. Bref, concevoir un projet durable et soutenable ! Challenge que le consultant expert en environnement et aménagement du territoire relève à chaque mission.

Il est alors nécessaire que l’équipe de conception soit constituée d’experts techniques à l’esprit ouvert capables de comprendre les exigences de chaque métier et les enjeux du territoire dans lequel le projet s’inscrit et faire que le projet soit écoconçu par une réflexion partagée et anticipée des techniques de construction et des modalités d’exploitation (en y associant toutes les parties prenantes sans oublier l’exploitant), des matériaux utilisés, de leur provenance et de leur cycle de vie. Ce travail en équipe pour écoconcevoir ensemble les projets nécessite l’intervention voire le pilotage d’un consultant expert en environnement pour gérer de façon opérationnelle, systémique et efficace les interfaces et manager ce volet du projet.

L’ensemble de cette démarche est itérative et nécessite une approche de plus en plus fine à chaque étape du projet.

 

Auteure : Virginie DEFROMONT, Consultante experte en environnement et aménagement du territoire


 

[1] TCSP : Transports en Commun en Site Propre

[2] y compris les aménagements annexes comme les stations, les pôles et zones d’échanges, etc

[3] Code de l’Environnement – articles L.121-1-A à L.121-24 et R121-1 à D.128-19

[4] Code de l’Urbanisme – articles L.103-1 à L.103-7 et R.103-1 à R.103-3

[5] ref. guide pour la mise en œuvre de l’évitement – Ministère de la Transition Ecologique – mai 2021

[6] ref. Lignes directrices nationales de la séquence ERC sur les milieux naturels – CGDD et DEB – octobre 2013