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Les enjeux RSE des filières agricoles : les fruits et légumes frais

Par Frederick Basset, le
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Si les bénéfices nutritionnels et de santé publique de la consommation des fruits et légumes frais sont connus, la filière fait face à plusieurs paradoxes à la lumière de l’analyse de ses enjeux RSE.

Les consommateurs en tant que partie prenante sont en demande d’innocuité du produit, de sens (saisonnalité, produits locaux), de plaisir et de goût, et d’accessibilité en termes de coût d’achat. Mais lorsque le goût et le plaisir sont transportés sur de longues distances, ou lorsque les produits importés sont plus compétitifs en coût que les produits locaux, comment prioriser ? Devant ces attentes contradictoires, quels gages apporter aux consommateurs prêts à choisir une origine lointaine ? ou aux consommateurs choisissant un pays de production à (très) faible coût de main d’œuvre ?

Ce premier paradoxe se traduit dans les faits par une sur-segmentation du marché : le bio, le local, le zéro-résidus de pesticides, etc. et les labels se multiplient : filière qualité, bio, haute valeur environnementale, verger éco-responsables, produit local, MDD, agriculture raisonnée, etc.

Cherchant à répondre aux injonctions contradictoires de la demande, la filière a pris le risque de perdre le consommateur.

 

Les 37 millions de tonnes annuelles de fruits et légumes frais d’importation extra-Européenne (face aux 89 millions de tonnes annuelles produites dans l’UE) font également face à des enjeux de Loyauté des Pratiques et de Droits de l’Homme lorsque les vergers sont situés dans des pays qui ne sont pas toujours des modèles d’État de Droit. Le métier de la distribution à l’échelle Européenne l’a bien compris et demande aux importateurs (premiers metteurs en marché sur le sol Européen) des certifications obtenues auprès de leurs partenaires producteurs, qui couvrent aussi bien les méthodes de production que les conditions de travail d’un secteur fort consommateur de main d’œuvre.

Les Relations et Conditions de Travail justement, sont un autre enjeu phare de la filière Fruits et Légumes, qui peine à attirer une main d’œuvre dédiée aux travaux des champs, réputés pénibles mais qui restent techniques, et encore très faiblement mécanisés. Les entreprises en aval des productions cherchent également à attirer et retenir les talents, les plus avancées d’entre elles traitant l’enjeu de marque-employeur à travers leur démarche RSE.

L’Environnement est nécessairement une partie prenante de la filière, à travers l’accès à l’eau et son utilisation, la prise en compte de l’impact des activités sur la biodiversité (l’agriculture façonne les paysages), et bien sûr par les émissions de carbone. En effet, l’agriculture est l'un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, mais également le premier secteur victime du changement climatique. Vous avez dit paradoxe ?

 

Poursuivons avec les enjeux du gaspillage :

Le développement des offres de fruits et légumes frais tordus, moches, marqués, de catégorie 2, en dates courtes ou encore les circuits de particulier à particulier, sont autant de tentatives visant à commercialiser une partie toujours plus grande de la production totale. Générant des revenus complémentaires pour les producteurs, ces nouveaux modes de consommations sont poussés par l’inflation des prix de vente.

La nature fraiche et donc périssable des produits de la filière est facteur de destruction sur le lieu de vente, la « casse en magasin ». Paradoxalement, le suremballage des produits permet de réduire cette casse et conserve la plupart du temps les faveurs des distributeurs, aux détriments de la vente en vrac. Un autre paradoxe.

 

La question de la consommation d’intrants d’emballage se pose donc et la loi AGEC y a apporté sa réponse :

Depuis le 1er Janvier 2022, la loi AGEC interdit le suremballage des fruits et légumes frais de moins de 1,5 kg en plastique à usage unique. Paradoxalement (!) les emballages utilisés en remplacement de ces plastiques très transparents détériorent la plupart du temps la visibilité du produit par le consommateur, qui s’en détourne parfois. Pensant répondre à une demande sociétale, le résultat peut se montrer contre-productif : le sujet est encore jeune et est en phase de constatation, dans ce rayon alimentaire très faiblement marketé.

La loi AGEC prévoit la fin de tous les plastiques à usage unique d’ici 2040 et il est fort probable que les solutions mises en place par la filière Fruits et Légumes frais serviront d’inspiration à d’autres filières au fur et à mesure du déploiement de cette loi.

Nous l’avons vu, la filière Fruits et Légumes frais affronte plusieurs paradoxes face à ses enjeux RSE. Une stratégie RSE construite subtilement et menée volontairement permet toutefois de les gérer, tout en couvrant dès aujourd’hui les besoins actuels des entreprises. C’est là le gage d’un retour sur investissement d’une démarche RSE pour une large majorité des entreprises et organisations de la filière.

 

Auteur : Fédérick Basset, Expert People4Impact