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Numérique Responsable : par où commencer ? 

Par Lorraine Le Baud, le

Photo Unsplash x Lorrain L.

Les collaborateurs et les directions des systèmes d’information citent spontanément les actions visant à supprimer les emails ou réduire la consommation des data centers. Or ces actions ont peu, voire très peu d’impact sur l’environnement. Alors, quels sont les ordres de grandeur en jeu, quels sont les sujets prioritaires et les quick wins ?

Le principal impact environnemental du numérique concerne la phase de fabrication et les terminaux utilisateurs. Tout ce qui permet de réduire leur volume et de rallonger leur durée de vie constitue donc, de loin, le premier levier à adresser pour réduire l’impact environnemental de ses activités numériques.

Les chiffres de l’impact environnemental du numérique

Si le numérique était une figure, elle pourrait être un triangle avec trois sommets pour représenter les trois composantes du numérique : les terminaux utilisateurs (ordinateurs, smartphones, écrans…), le réseau (les câbles) et les serveurs (ou centres de données).

Selon l’étude de l’ADEME-Arcep sortie en mars 20231, 80% des impacts concernent les terminaux utilisateurs, très loin devant les centres de données (15%) et le réseau (5%).

Bien que le temps passé devant les écrans ait augmenté significativement ces deux dernières décennies, ce n’est pas l’utilisation des équipements (et donc leur consommation d’électricité) qui est principalement responsable de leur empreinte environnementale… mais leur fabrication, là encore à hauteur de 80 % !

L’empreinte environnementale prépondérante des terminaux et de leur phase de fabrication s’explique facilement. D’abord les volumes d’équipements en circulation sont de l’ordre de dizaine de milliards dans le monde, contre des centaines de milliers pour les serveurs. Ensuite la courte vie à laquelle nous destinons nos terminaux (2 à 5 ans), est largement inférieure à la durée d’usage des serveurs (6 à 8 ans). Enfin, la fabrication implique d’extraire des minerais (il y en a plus de 50 dans un smartphone), de les raffiner, de transporter ces minerais pour la fabrication des composants, qui sont ensuite transportés pour être assemblés. Or ces procédés industriels sont extrêmement énergivores (électricité, énergie fossile, eau, consommation de matières premières) et sources de pollution et expliquent la part massive de la phase de fabrication dans l’empreinte environnementale du numérique.

S’il est donc essentiel de démarrer toute initiative Numérique Responsable par une phase de sensibilisation, il est aussi important que celle-ci concerne la réduction du nombre de terminaux et les moyens pour faire mieux coïncider durée d’usage et durée de vie.

De nombreuses animations sont possibles : repairs cafés entreprises où les collaborateurs apportent leurs équipements électroniques endommagés, collecte d’équipements obsolètes, fresque du numérique, réflexion sur l’utilité des doubles ou triples écrans sont bien plus pertinentes que des campagnes de nettoyage des emails.

Par où commencer une démarche numérique responsable ? Regardez vos poubelles !

Après avoir sensibilisé toutes les équipes d’une entreprise – pas seulement IT - il est indispensable d’évaluer comment les Déchets d’Equipements Electroniques et Electriques (DEEE) sont gérés dans l’entreprise. Les équipes IT en charge des parcs informatiques ne sont absolument pas formées au droit de l’environnement. Or ces DEEE sont classifiés comme dangereux par l’Union Européenne. En France, ECOLOGIC et ECOSYSTEM sont les deux éco-organismes qui sont chargés de gérer le financement de la collecte et la fin de vie de ces équipements. Les entreprises sont invitées à la plus grande prudence si leur partenaire est un broker (un revendeur), car plus de 70% des DEEE font l’objet d’un trafic mafieux et les équipements cédés sont exportés illégalement en Asie du Sud-Est et en Afrique.

Challengez donc vos prestataires ! Demandez leur agrément auprès d’un des éco-organismes, leur autorisation préfectorale pour le transport et le traitement des DEEE. Au-delà d’une certaine taille, les unités peuvent être classées comme Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE). Exigez la remise d’un Bordereau de Suivi de Déchets (BSD) ou d’un Bordereau de Cession, qui formalisera le transport de votre responsabilité au repreneur.

Et après ?

Selon le secteur d’activité, il est ensuite important voire essentiel de déployer une vraie stratégie d’éco-conception de leurs services, notamment dans les banques, les assurances et le e-commerce où le digital est au cœur de l’activité. Au-delà des techniques pour réduire l’impact environnemental des services, il conviendra d’adresser l’enjeu d’accessibilité et d’inclusion des personnes en situation de handicap, en difficulté avec le numérique ou n’ayant pas les équipements derniers cris pour surfer sur des sites internet trop souvent lourds et volumineux. Votre base clients en sera élargie, l’expérience utilisateur sera améliorée et vos services digitaux reflèteront enfin les valeurs d’inclusion et de sobriété de votre stratégie RSE.

[1] Etude ADEME-Arcep, Evaluation de l’empreinte environnementale du numérique en France en 2020, 2030 et 2050, Mars 2023

 

Auteure : Lorraine L., Experte People4Impact.

Lorrain Le Baud accompagne les entreprises vers des pratiques numériques plus responsables, grâce à des actions de sensibilisation et de formation, mais également en construisant une démarche labellisée Numérique Responsable.