Chronique4Impact

Cradle to Cradle: Au-delà de la Durabilité, Créer la Beauté, Concevoir l’Abondance (2/3) 

Par David Amar, le

William (Bill) McDonough et le Professeur Dr. Michael Braungart, fondateurs du Cradle to Cradle

Littéralement du berceau au berceau, en nommant le « Cradle to Cradle » (C2C), les cofondateurs de ce concept voulaient simplement faire un pied de nez à la description des cycles d’utilisation (de vie) des produits, « cradle to the grave » du berceau au tombeau.

Ainsi, ils ont su synthétiser leur volonté d’imiter la Nature grâce à un biomimétisme systémique, reproduire les cycles naturels où chaque organisme et chaque écosystème rejetteront uniquement des nutriments pour eux-mêmes ou pour les autres organismes et écosystèmes. Avec pour seule différence, la reconnaissance du cycle technique en plus du cycle biologique. 

La Rencontre

Le C2C est né d’une rencontre entre un architecte américain, William (Bill) McDonough, et un chimiste allemand, le Professeur Dr. Michael Braungart. En établissant son cabinet d’architecture à New York en 1981, Bill parle déjà de construire « des bâtiments comme des arbres pour faire des villes comme des forêts et parle encore de concevoir des habitations en lien direct et étroit au lieu où elles seront construites. »

Le Professeur Braungart est à la tête du département toxicologie de Greenpeace mais cela ne lui suffit plus, il veut proposer des solutions. Il est chimiste et ne veut plus voir d’effluents toxiques sortir des usines ou des déchets incapables de retourner à la Nature et de nourrir le sol.

Ils vont explorer différentes pistes jusqu’à leur rencontre. Ils travailleront d’abord pour créer les principes de Hanovre, une liste de principes créée pour l’EXPO 2000 quand l’exposition universelle choisit en 1991 la ville de Hanovre.

De cette longue liste émerge d’abord les trois principes à l’origine de la philosophie du Cradle to Cradle :

• Tout est ressource pour quelque chose d'autre

• Utiliser des énergies propres et renouvelables

• Célébrer la diversité

En 1995, les premiers projets communs apparaissent et ils co-fondent MBDC, McDonough Braungart Design & Chemistry. La réussite de ces premiers projets et la volonté de leurs clients de pouvoir la marquer d’un sceau amèneront à la création du Cradle to Cradle en tant que marque certifiante accompagnée de son logo.

Le déroulé de ces premiers projets permettra de cadrer le travail et de structurer la méthodologie : le Cradle to Cradle Design Framework est né, les cinq critères d’évaluation et de certification aussi.

 

Les Pilliers du Cradle to Cradle

Ces cinq piliers, les five goods comme aime les nommer Bill, ont évolué avec le temps et sont aujourd’hui :

1.  La santé des matériaux : nous voulons créer une économie circulaire saine pour les humains et l’environnement.

2.  La circularité des matériaux et des produits : nous devons concevoir les produits et les process pour qu'ils soient circulaires pour le cycle technique ou le cycle biologique.

3.  Air sain et protection du climat : nous devons générer une énergie propre et renouvelable, protéger le climat et préserver l’air que nous respirons.

4.  Préservation de l’eau et des sols : ce sont des ressources précieuses pour toutes les espèces vivantes.

5.  L’équité sociale : c’est adopter des pratiques de travail sûres, justes et équitables qui font progresser les droits de l'homme et créent des communautés fortes et résilientes.

Un véritable slogan est né de cette méthodologie, « Being less bad is not good ».

Cradle to Cradle Product Innovation Institute 

 

Être moins mauvais n’est pas bon : ce qui est, selon moi, aussi littéral que vrai. Nous ne pouvons pas continuer à essayer de faire moins mal, nous devons véritablement essayer de faire bien, cela doit être notre ambition. Le C2C « ne cherche pas à sauver la Planète mais à apprendre comment y prospérer[1] ». C’est une stratégie d’évolution continue qui ne vous demande pas d’être parfait du jour au lendemain mais de vous engager volontairement dans l’optimisation de toutes vos pratiques, de vos produits et services, de vos process. Cela passe par une volonté de tout connaître de l’amont - la conception du produit, le sourcing, la fabrication - mais aussi de l’utilisation, la fin d’utilisation et les stratégies de récupération pour retourner dans de nouveaux cycles d’utilisation.

“Design with (the) no end in mind”.  Je lis encore trop souvent qu’il nous faut concevoir des produits avec leurs fins de vie en tête. Ne faudrait-il pas plutôt concevoir pour toutes les utilisations possibles et comment ces produits redeviendront des nutriments pour le cycle biologique ou technique. Que ces matériaux puissent circuler sans fin dans leurs cycles respectifs.

Une décennie plus tard après la publication de leur livre, les choses ont bel et bien évolué. Je dirais même qu’une des choses qui m’a le plus marqué au début de la pandémie (d’un point de vue professionnel uniquement) a été de voir que les projets C2C sur lesquels je travaillais, le Parfum CK Everyone de Calvin Klein puis une gamme de crème solaire Lancaster, ont été les budgets maintenus en priorité. Un véritable changement car jusqu’à présent il s’agissait du premier budget supprimé en cas de difficulté d’un client.

 

Méthodologie 

L’une des raisons qui attire véritablement vers le C2C est la rigueur de la méthodologie et sa volonté de faire bien.
Il est difficile de rivaliser avec une méthodologie qui a plus de 25 ans d’expérience dans la création de produits pour une économie circulaire saine.

C’est véritablement cette ouverture d’esprit profondément ancrée dans la science qui caractérise le C2C. Lors d’une conférence à HEC, la totalité des étudiants présents n’avaient qu’une seule question à la fin de ma présentation : « est-ce que j’ai du travail pour eux ? » Personne ne leur avait parlé d’écologie de cette façon et ça leur avait fait du bien. Rien que de l’entendre, d’en découvrir les principes, cela a souvent pour effet d’apaiser les cœurs et d’élargir les esprits.

 

Auteur : David Amar, Expert People4Impact 

[1]  P.29 Cradle to Cradle - Créer et recycler à l’infini Ed. Alternatives coll. Manifesto

Retrouvez le premier volet de sa chronique ici et le troisième volet ici.