Chronique4Impact

Quand art et culture deviennent des vecteurs de votre engagement RSE (2/2)

Par Anne VERSCHAVE, le

Installation in situ, sangles de manutention et matériaux collectés sur site, Morpho par quai 36, 2022 (c)

@Jeanne Varaldi

Pour ce second volet de ma chronique, j’invite Jeanne Varaldi, artiste plasticienne, à nous donner son point de vue sur les liens entre art et RSE. Jeanne Varaldi est une artiste plasticienne basée à Paris. 

Diplômée de l’Ecole Urbaine de Sciences Po, sa démarche explore le territoire et le bâti. Elle exploite les matériaux de construction et débris de chantier : morceaux de plâtre, granit, béton et bâches de protection sont collectés puis assemblés à l’aide de ciment pigmenté, de sangles de manutention ou bien de cordes colorées. Ces installations valorisent la texture et les formes accidentées des fragments urbains. Elle propose une lecture ludique de la ville, qui devient terrain de jeu, d’expérimentation et de régénération. 

 

Depuis quelques décennies, nombreux artistes se sont emparés des grands enjeux sociétaux et environnementaux. Ces artistes alertent, mobilisent et participent notamment à l’émergence d’une prise de conscience écologique. 

Jeanne, comment intégrez-vous les enjeux RSE au cœur de votre pratique artistique ?

Il y a d’abord un aspect pratique à la question, qui touche aux matériaux que j’emploie. Je réalise en effet des sculptures et des installations à partir de matériaux de chantier et de construction collectés directement sur site. Je transforme ces fragments urbains avec l’intention de les mettre en lumière et de les valoriser. Des initiatives comme celle de « la réserve des arts », qui promeut l’économie circulaire au sein du secteur, favorisent ce type de démarche.

Mais la question ne se réduit pas à celle des matériaux et l’enjeu n’est pas de faire de ce type de démarche une contrainte ou une injonction pour tous. Les artistes ont surtout un rôle essentiel en matière de RSE car ils permettent d’activer de nouveaux imaginaires et récits. Ils interrogent nos manières de faire et voir le monde. C’est un préalable essentiel à l’engagement et à l’action écologique et sociale.

Mon travail en particulier porte sur les transformations urbaines : j’explore l’univers du chantier ainsi que de la cartographie. A rebours de l’urbanisme planifié, je souhaite ouvrir un espace de dialogue, d’expérimentation et d’idéation. Certaines de mes démarches artistiques sont participatives et impliquent les publics pour interroger leur propre expérience urbaine et la façon dont ils souhaiteraient la faire évoluer. En explorant le chantier, le bâti et la ville, j’espère œuvrer à une prise de conscience qui favorise l’emploi de matériaux durables, des chantiers plus ouverts et transparents ainsi que la conception d’un espace public plus inclusif.

 

Selon vous que peut l’art dans la stratégie RSE d’une entreprise et quelles passerelles imaginez-vous entre artistes et entreprises ?

L’art est un vivier de sensibilisation et d’action précieux pour les entreprises. C’est un moyen d’explorer ses métiers, sa chaîne de production et ses matières premières, par exemple via l’organisation d’une résidence de création, comme le fait depuis de nombreuses années la fondation Hermès en invitant des artistes au sein de ses manufactures.

C’est aussi une façon d’ouvrir de nouveaux champs de réflexion et de débat puisque de plus en plus d’artistes proposent aussi des conférences, des ateliers et des actions de médiation dans leurs démarches. A ce titre, les artistes peuvent contribuer à initier ou nourrir les réflexions stratégiques d’une entreprise.

Il faut aussi rappeler que les artistes sont des chercheurs / explorateurs de matière et de concepts. S’ils ne se cloisonnent pas à un champ académique ou à une discipline, leur collaboration avec des scientifiques ou experts d’un secteur peut toutefois nourrir la R&D d’une entreprise. Des dispositifs existent pour faire vivre les passerelles entre art et science comme par exemple la plateforme « porosity » qui connecte chercheurs et artistes ou encore la « Scène de Recherche » de l’ENS Paris-Saclay.

D’un point de vue plus opérationnel, alors que les façons de travailler et d’échanger se transforment, l’art est à même de créer un environnement propice au bien-être. Les peintures murales ou œuvres au sein des espaces de bureaux créent des lieux fédérateurs, attractifs et vecteurs de créativité. 

Par le biais de ces dispositifs, ou d’autres qui restent encore à inventer, l’artiste à toute sa place en entreprise. Au-delà du mécénat, les entreprises gagnent à être plus ambitieuses dans leurs collaborations avec les artistes et les artistes gagnent à s’ouvrir à ce type de dialogue. Ce sont ces passerelles et porosités qui nous permettront d’imaginer, de rêver et de construire le monde de demain.

 

Pour conclure, ce précieux témoignage de Jeanne Varaldi me conforte dans le message que je souhaite transmettre aux entreprises : placer au cœur de votre stratégie art et culture, et vous engager en faveur de la création contemporaine, c’est permettre à votre organisation de promouvoir une démarche RSE créatrice de lien social, de stimuler l’engagement de vos collaborateurs et attirer de nouveaux talents, et prendre part à la vie de votre territoire. 

 

Auteure Anne Verschave, Experte Conseil RSE | Management de projets RSE People4Impact. En collaboration avec l’artiste plasticienne, Jeanne Varaldi

 

Pour lire la première partie de cette chronique sur l'intégration de l'art et la culture en entreprise, cliquez ici !